Danser socialement en couple III

La conduite du danseur ….. ferme, solide mais doux et adapté…. et c’est pas facile ….. je ne suis pas encore très précis dans la conduite…. pas encore très technique ….. pas encore corporellement très solide….. pas encore très équilibré …… je conduit plutôt « cool » (doux me diront certaines sportives, mou diront d’autres… mais doux et mou c’est différent) … et chez des rockeuses on m’a même dit « dur » (eh oui… chez certaines … ma petite fermeté latine c’est « dur » et « rigide »), je « m’adapte » à ma partenaire…… mais c’est moi qui conduit…..ou du moins qui ne me fait pas conduire.

La conduite n’est pas une technique mais un « art » …. il y a 50% de constante technique (équilibre etc) d’accord mais 50 % de paramétrage très variable ……. et les danseuses n’en sont pas toujours bien conscientes…. ces 50% ne sont pas codifiés, et le danseur ne peut pas deviner au sens statistique globale puis danseuse par danseuse …. ça passe du très doux au très ferme (tout en ayant un résultat qui passe)…. et bien souvent s’il conduit d’entrée de jeu comme ci ou comme ça, c’est qu’on l’y a habitué …. et comment s’habitue-t-il? ….. ben, en fonction de ce qu’attendent ses danseuses plus fréquentes….. et quand il tombe sur une danseuse plus « différente » il lui faut s’adapter …. car c’est lui qui est souvent mis en cause….
Et le pauvre danseur est tellement au départ mis en cause dans sa conduite qu’il met des lustres à prendre une confiance (bon sauf quelques frimeurs), en plus il faut qu’il gère l’espace, les figures……son corps (qu’il n’a pas forcément fait beaucoup travailler dans ce sens)…. c’est marrant de constater qu’un nombre de femmes savent danser sans prendre de cours (bon pas toutes pensent comme ça heureusement) et aucun homme ne sait …… je veux bien qu’il y ai des phénomènes culturels mais quand même. Après ça change, …il ne s’en laisse plus compter par les belles, même si ce n’est pas un champion.
Et de l’autre coté, le suivi est tout aussi un art avec les mêmes règles de 50/50 …. , cette fois ce sont les danseurs qui n’en sont pas toujours bien conscient, la danseuse doit « comprendre » le danseur, elle doit être attentive et réactive, la danseuse n’est pas un pantin que le danseur doit trimballer mais une actrice (et la vedette même) qui doit assumer un rôle…. mais là c’est elle qui ne peut pas toujours deviner les subtilités du paramétrage de conduite de chaque danseur .
Notre culture a bien rentré dans les esprits que « si le danseur guide bien patati patata… » ce qui est vrai … mais si la danseuse « réagi bien » ça sera peut-être pas plus mal…. et dans mes expériences de cours et sociales …. j’entends bien plus souvent  » tu m’as mal guidé » que « j’ai mal compris » ou « je ne sais pas bien suivre dans ce paramétrage »……. ou l’inverse d’ailleurs vis à vis des suiveurs.
Et c’est quoi bien, mal ?…. c’est subjectif et dans beaucoup de cas c’est en fait ce « qu’attend » l’autre…. mais ce qu’attend l’autre n’est pas vraiment fixe et quand l’autre change … le « bien », « le mal » change aussi.

On relira un passage de la bible « technique des danses latino américaines » de Walter Laird (au début je crois)….. ou il parle de conduite …. en abordant la conduite « d’attitude » (ou on pourrait quasiment conduire sans se toucher) et la conduite « physique » (pression ….).. et il dit un moment un truc du genre « quand le partenaire à besoin d’une conduite physique …… », on sous-entend donc que certains (nes) partenaires n’aient pas besoin d’une grande « fermeté » (de conduite j’entends, pas du corps) pour très bien réagir et d’autres à qui il faut « s’imposer »…… oui d’accord moi c’est ce que j’aurais effectivement constaté ….. mais ça c’est pas bien connu des danseuses et danseurs….. il faut donc « accepter » divers façons de conduire, voire s’y adapter … ou au pire informer le danseur ou la danseuse (gentiment en ne lui faisant pas interpréter qu’il/elle est à coté de la plaque au sens large) qu’elle a besoin, elle, de tel type de conduite ou il a besoin , lui, de tel type de suivi (il serait alors quand même délicat dans ce cas que les deux fasse la moitié de l’adaptation).

Et j’ai relu ça parce que, il y a longtemps que je retourne ce sujet, car moi qui n’a pas vraiment de fidélité partenariale , j’en vois un peu de toutes les couleurs (et parfois j’en ai un peu marre d’être mauvais conducteur à chaque nouvelle danseuse). Maintenant je sais (du moins des danseuses m’ont dit) qu’elles n’aiment pas être « poussées » dans le dos, ni prises en punching ball……. mais je constate aussi par ailleurs que certaines « attendent qu’on les pousse »… ou … celle ci voudra un coup de poignet dans telle figure, mais celle là n’en voudra surtout pas….. une constante technique existe peut-être mais tout le monde ne connaît pas la même… il y a une partie « physique » c’est sur mais ça ne résout pas tout … il y a ce « variable ».
A aucun moment Walter Laird ne se mouille vraiment là dessus et même il ouvre carrément avec son texte.
(bouquin intéressant… mais bon, ce n’est bien qu’avec une « explication de texte » via des cours ou à défaut après avoir déjà fait pas mal de cours).

Un autre point concernant l’adéquation rythmique entre danseur et danseuse ….
On constate des partenaires en arythmie totale, bon là toute adéquation me semble impossible ou du moins très difficile.
Mais on trouve aussi des partenaires dans un tempo parfaitement bien régulier et bien calé, et pourtant ça ne marche pas bien bien ….. on ne se sent pas 100% bien en phase.
Dans ce deuxième cas il peut s’agir d’un phénomène de réactivité à la musique, chacun l’entend bien et s’y cale bien mais l ‘un se cale « sur » la musique et l’autre se cale « dans » la musique, ainsi celui qui est calé sur la musique va réagir après l’information musicale (le après étant toutefois très rapide) et celui qui est calé dans la musique va réagir en synchro musicale (comme s’il jouait d’un des instruments … et il ne faut pas « attendre » les autres mais automatiser la cadence pour synchroniser l’ensemble). De fait les partenaires vont avoir une impression de « pa-laf » et non d’un beau « plaf » bien synchronisé (dans le feeling, et malgré que ce « décalage » pa-laf soit petit ) …le « dans » la musique va donner l’impression d’anticiper et l’autre l’impression de traîner….le tout laissant une impression de gêne et un partenariat non idyllique, et pourtant les deux sont bien précis.
De plus, il faut tenir compte de la réactivité corporelle, le calage musical (sur ou dans) peut être très bien perçu dans la tête mais peut être différemment transmis au mouvement, certains poseront donc un pied en fonction de leur interprétation, soit pile sur l’accent musical (dans ce cas il faut être de mécanique « dans la musique » et de plus « anticiper » le début du mouvement compte tenu de temps de déplacement mais qui peut provoquer parfois un peu trop d’anticipation, question de réglage ) soit légèrement derrière l’accent, donnant un mouvement quelque peu syncopé (et là on peu être « dans la musique » mais sans anticipation du temps de mouvement , ou « sur la musique » qui impliquera automatiquement un « retard » de mouvement sur l’accent … à noter qu’une légère syncope peut être une interprétation comme une autre)… et attention, il est clair que l’on raisonne sur des pouièmes mais ça peut se sentir.
Il peut y avoir des « règles » d’interprétation (pour peu qu’en « interprétation » on puisse parler de règle… mais bon le classique et/ou le sportif sont des « interprétations » assez rigides et non personnelles et qui puissent être selon les canons … pile, en avance ou en retard …) …., et il y a la synchro de groupe (ou couple) …… qui peut donc parfaitement bien se caler ou pas et on dit parfois…. même entre « bons » danseurs on ne sait pas pourquoi ça « marche » super ou pas…. encore une question de paramétrage ……

Ce qu’il faut retenir c’est que rien n’est très « absolu »…. et quand « ça ne marche pas bien » ben il faut tout supposer de part et d’autre…tant dans les techniques et coordination que dans l’interprétation rythmique.

Par Jean Yves Ménard. (07/2002)

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